La mobilité européenne : un atout pour l’insertion des jeunes sur le territoire
À l’occasion de l’année européenne de la jeunesse, nous avons souhaité donner la parole à deux des acteurs jeunesse sur le territoire : Info Jeunes Pays de la Loire et Parcours le Monde. Les représentantes des deux structures nous parlent de l’importance de la mobilité internationale pour les jeunes et des initiatives qu’elles mettent en place pour les y encourager. Les deux associations sont maintenant membres de la Maison de l’Europe et des partenariats à différentes échelles existent et sont à venir.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler des missions de vos structures ?
Séverine Cornet : Je suis Séverine Cornet, directrice d’Info Jeunes Pays de la Loire depuis janvier. Je suis en charge de la gestion de la structure et du suivi des missions de l’association.
Info Jeunes Pays de la Loire a pour mission d’informer les jeunes de 18 à 35 ans sur tous les aspects de leur vie. Ça peut être sur les thématiques du logement, de la santé, de l’emploi, de la vie quotidienne ou de la mobilité, qu’elle soit internationale ou non.
Notre rôle est d’apporter un premier niveau d’information en leur montrant les possibilités qui s’offrent à eux puis de les orienter vers une structure plus spécifique qui va les accompagner selon leur situation particulière, leurs besoins et leurs attentes.
On les informe par différents canaux. On utilise notamment des outils numériques comme le site internet, le moteur de recherche « A-quoi ai-je droit ? » disponible sur notre site, mais également La Boussole des jeunes, un outil innovant développé sur le territoire. Il y a aussi Les Promeneurs du net pour sensibiliser les jeunes sur les réseaux et l’application Tilt pour les actualités nantaises et régionales.
Ninon Vaudry : Je suis Ninon Vaudry, coordinatrice des programmes de mobilité européenne et internationale, à Parcours le Monde. Parcours le Monde est une association qui développe la mobilité pour les jeunes, et en particulier auprès d’un public de jeunes avec moins d’opportunités. L’association est organisée en cinq pôles : le premier dédié à la sensibilisation des jeunes au départ, où on propose des animations visant à leur faire découvrir le monde et à développer leur ouverture d’esprit. Le second pôle est dédié à l’accompagnement pour les mobilités. Le pôle formation, propose un accompagnement pour renforcer les liens des équipes pédagogiques. Un autre pôle est dédié au travail sur les mobilités, pour les adapter aux besoins spécifiques des jeunes, notamment les jeunes avec moins d’opportunités, afin de les accompagner au mieux vers l’insertion professionnelle. Le dernier pôle est consacré à la vie associative et bénévole de Parcours le Monde.
Nous faisons également partie du COREMOB (Comité Régional de la Mobilité) qui réunit les acteurs de la mobilité au niveau régional (ndlr : la Maison de l’Europe en fait également partie).
Quels enjeux principaux identifiez-vous pour les jeunes aujourd’hui ? Sur quoi ont-ils le plus besoin d’information et d’accompagnement ?
SC : Le principal enjeu est aujourd’hui de s’adapter aux nouveaux modes de communication. C’est surtout la façon d’informer qui a changé : l’accompagnement ne se fait plus exclusivement en présentiel mais se complète aussi par un accompagnement avec les outils numériques. C’est ce passage de l’un à l’autre qui crée le parcours d’information d’un jeune.
De manière générale les jeunes viennent s’informer sur des sujets très divers mais en toile de fond il y a souvent la santé. On voit qu’il y a aussi des problématiques d’ultra-précarisation qu’on rencontrait moins souvent avant. Dans ce cas, le fait d’avoir des points physiques permet à ces jeunes qui n’ont pas forcément d’équipements de trouver quand même un accompagnement. D’ailleurs même ceux qui n’ont pas de problématiques d’accès au numérique apprécient de pouvoir passer par l’accompagnement physique avec quelqu’un qui peut directement répondre à leurs questions.
Pour vous, quel est l’intérêt d’orienter les jeunes vers la mobilité internationale ?
SC : C’est un outil de remobilisation et un tremplin important vers l’emploi. Il y a un lien direct entre mobilité internationale et emploi : les effets d’un séjour à l’étranger se voient immédiatement au retour du jeune. Chez Info Jeunes, on accompagne les jeunes avant, pendant et après la mobilité, ce qui permet de voir des changements très prononcés à leur retour. On les voit reprendre des études, trouver un emploi ou mettre en place de nouveaux projets. C’est surtout ça la différence : avant ils pouvaient avoir du mal à poursuivre ce genre de démarches parce qu’ils ne se sentaient pas armés. L’expérience de la mobilité fait surtout gagner en confiance et en estime de soi. C’est le plus important parce que c’est à partir de ça que les jeunes construisent leur parcours. Même dix jours de mobilité suffisent pour voir un changement. Ils rentrent en s’étant sentis considérés et écoutés. A l’étranger, il n’y a pas de stigmatisations comme ils peuvent souvent le vivre ici, ils ne sont pas catalogués par rapport à leur origine géographique par exemple. Loin de leur cercle et de leur environnement habituel, certains nous ont même confié s’être sentis eux-mêmes pour la première fois de leur vie. La mobilité internationale c’est un outil très efficace pour l’emploi, mais aussi pour la santé mentale.
NV : C’est vrai qu’on voit une vraie différence au retour des jeunes après la mobilité, et dans leurs témoignages. Il y a des différences en termes de posture, de comportement… Pour la plupart il y a réellement un avant et un après la mobilité.
La mobilité a plein de bénéfices pour les jeunes, en particulier pour les jeunes avec moins d’opportunités : cela a un impact très positif sur leurs parcours de vie et leur développement personnel. Ce sont souvent des jeunes qui sont dans des situations de ruptures (sociales, familiales…). Donc c’est très positif pour eux de vivre des expériences valorisantes en mobilité : ils gagnent en confiance, se sentent davantage capables… Ils développent aussi leurs compétences psycho-sociales et gagnent en autonomie. La mobilité permet également aux jeunes d’élargir leurs horizons en sortant de leur cercle social et familial habituel. Ils reviennent avec un nouveau regard sur eux-mêmes et sur leur place dans la société.
Vers quel type de mobilité orientez-vous les jeunes ?
SC : On les informe sur tous les dispositifs existants.
On les oriente surtout vers les structures qui peuvent les accompagner ensuite pour concrétiser leur projet. En effet, si certains s’en sortent seuls par la suite, beaucoup de jeunes ont besoin d’un accompagnement plus poussé pour concrétiser ce projet de mobilité internationale. C’est d’ailleurs souvent le public qui bénéficierait le plus d’une mobilité européenne pour moi. En effet, seulement un jeune sur dix vient de quartiers prioritaires parmi ceux qui partent à l’étranger, alors que c’est un outil de remobilisation et de prise de confiance en soi énorme. Ce genre d’expérience devrait donc être beaucoup plus accessible pour ces jeunes, notamment pour les non-diplômés.
NV : Nous nous occupons de tous les types de mobilités, comme le Corps Européen de Solidarité (CES) ou le Service Civique. Mais aussi des mobilités de court terme comme les échanges de jeunes ou les chantiers de jeunes. Nous adaptons nos propositions selon le profil du jeune. On essaye davantage de les accompagner sur la définition de leur projet et d’identifier le type de missions qui leur correspond, plutôt que de les orienter vers une destination en particulier.
Comment convaincre ces jeunes plus éloignés d’aller vers la mobilité internationale ?
SC : Chez Info Jeunes, on est généralistes, donc on transmet des informations sur tous les sujets qui peuvent intéresser les jeunes mais pour le coté plus spécifique de l’accompagnement on passe ensuite la main, on oriente les jeunes vers des structures spécialisées. L’objectif d’Info Jeunes, c’est donc de faire le premier niveau d’information sur la mobilité internationale, pour leur ouvrir le champ des possibles. On fait en sorte que les jeunes aient connaissance des dispositifs dont ils peuvent bénéficier, mais aussi qu’ils aient accès à leurs droits : logement, santé, mobilité internationale…
NV : C’est vrai que les jeunes ne viennent pas forcément d’eux-mêmes au pôle de sensibilisation où on les attend. Donc pour les toucher, on accentue le travail avec les partenaires, notamment des structures d’insertion sur le territoire. On cherche aussi à se déplacer pour aller sur place à leur rencontre, dans les maisons de quartier par exemple.
On a de très belles histoires de mobilité, notamment celle d’une jeune qu’on a accompagnée pendant plusieurs années, pour laquelle on a du lever plein de freins. Elle avait aussi un accompagnement médical en parallèle car elle avait besoin d’un soutien psychologique. Ça a été très long mais elle a fini par partir en chantier international bénévole. Ça lui a beaucoup plu et elle a finalement été embauchée dans la structure. Elle est aujourd’hui également membre du conseil d’administration de Parcours le Monde. C’est un bel exemple de parcours d’insertion qui nous encourage à continuer cet accompagnement auprès des jeunes.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaiterait s’informer sur la mobilité internationale ?
NV : Le conseil que je donnerais à un jeune qui pense à la mobilité, c’est d’aller à la rencontre d’autres jeunes déjà partis, d’écouter des témoignages. C’est souvent comme ça que ça marche et que l’échange et la sensibilisation fonctionnent le mieux.
SV : Ce sont les jeunes entre eux qui savent le mieux se parler. Le partage d’expérience est très important dans le cas des mobilités. De plus, la mobilité internationale est souvent vue comme une thématique à part et n’est pas vécue comme centrale alors que c’est vraiment quelque chose de transversal qui peut répondre à plusieurs enjeux et problématiques de la jeunesse actuelle : sur l’engagement, sur la santé mentale, sur l’insertion… Ce n’est donc pas juste une thématique annexe sur laquelle on se penche quand on a le temps. Pour moi c’est une thématique centrale et un outil dont on doit s’emparer pour l’insertion professionnelle de la jeunesse.