Zoom sur… la Compagnie Moradi avec Ronan Cheviller
Pouvez-vous nous parler de la Compagnie Moradi et de ses rendez-vous à venir ?
Fondée en 2020, par l’artiste auteur et comédien Ronan Cheviller & Anne Neyens chargée de projets artistiques, la Compagnie de théâtre professionnelle Moradi est en résidence dans le quartier du Breil-Malville de Nantes.
Nous interrogeons la place de la culture dans la vie de chacun. C’est un moyen de travailler nos engagements citoyens en fabriquant du théâtre. Ainsi, en 2020, suite au premier confinement, nous avons lancé une démarche artistique participative au long cours (2020-2025) : « Romances européennes ». Nous voulions partir de la parole des habitant.e.s pour s’interroger sur les imaginaires, l’histoire et les citoyennetés européennes.
Nous avons ainsi lancé des salons rencontres dans un parc du quartier du Breil. Chacun pouvait parler de ses ressentis, en prenant la liberté d’entrer et sortir de l’Europe. Nous invitions aussi des artistes, auteurs, musiciens, traducteurs… Il y avait un vrai plaisir de se retrouver et de prendre le temps de conversations, après les mois de confinement que nous avions connu.
A partir de ces entretiens en groupe, Ronan Cheviller a écrit de petites pièces de théâtre qui parlent de la vie du quotidien, des voisin.e.s, de l’Europe et du monde, qui ont été lues par des amateurs.
En partant de la parole d’habitants du quartier du Breil de Nantes, nous initions une démarche de création théâtrale où la langue est au coeur des échanges. Nous avons une attention particulière pour les romances qui racontent l’amour et les aventures de la vie.
En parallèle, Ronan Cheviller a commencé à écrire un roman à lire à voix haute : « Romances européennes ». Il est présenté comme le manuscrit anonyme du Br., car, il aurait été déposé devant la porte de la Cie Moradi par un inconnu, dont il ne nous a fait parvenir que le premier chapitre : « Un vague sentiment européen ». Il prend pour modèle le roman polonais, écrit en français, par Jean Potocki, « Le manuscrit trouvé à Saragosse » dont l’histoire se déroule en Espagne.
Le spectacle « Les aventures de Melon » est une version théâtrale du manuscrit du Br. Il est interprété par Ronan Cheviller. La prochaine représentation aura lieu le samedi 17 juin 2023 à 15 h 30, au cours du Festival Les Scènes Vagabondes, au parc des Oblates à Nantes.
Vous avez proposé une lecture récemment à la Bibliothèque associative Paul Eluard dans le cadre de la Fête de l’Europe, pouvez-nous nous parler davantage du projet Romances européennes ?
Pour les 70 ans de la Bibliothèque associative et citoyenne Paul Eluard de Saint Herblain, nous avons préparé une lecture chorale avec les adhérent.e.s, d’un extrait du Manuscrit du Br.
Une petite fille Marion a un devoir d’école dont l’énoncé prend pour titre : Dessine-moi l’Europe et je te dirai qui tu es ? Pour répondre à cette question, elle cherche un dictionnaire. Elle trouve dans la bibliothèque Paul Eluard, une encyclopédie. Donc, un dictionnaire boosté à l’adrénaline. Notre jeune héroïne arrive à subtiliser la collection complète de cette encyclopédie, en passant à travers un mur, ainsi qu’un passe-muraille.
Pourquoi et comment abordez-vous l’Europe et ses projets dans vos créations ?
L’Europe s’invite d’abord par les imaginaires de toutes nos histoires déposées depuis tant de siècles qui constituent notre terreau commun. L’Europe s’adresse aussi à nous par le filtre de l’intime. Nos histoires personnelles racontent la vie et ses promesses.
C’est là que surgit d’autres dimensions plus politiques et historiques qui viennent balloter nos histoires. La fiction permet de faire entendre des sentiments plus étranges qui racontent les fantômes qui nous habitent. C’est une rêverie qui a des accords mélancoliques. Ainsi, les romances naviguent avec une délicatesse apparente, pourtant, à chaque fois, des accents plus tragiques se font entendre.
Pourquoi postulez-vous au programme CERV* (« Citoyens, égalité, droits et valeurs ») ?
Au cours des salons conversations, Anne Neyens posait la question : Quel est ton premier souvenir d’Europe ? Une habitante du quartier du Breil nous a raconté l’histoire de sa mère décédée à Vienne en Autriche en 1944. Elle serait partie au Service Volontaire du Travail. Nous avons tout de suite été ému par son récit. Il dessine un fil avec un pan de l’histoire que nous ignorions.
C’est ainsi que nous nous sommes proposés de relancer une enquête, presque 80 ans après, pour comprendre le destin de sa mère. C’était un pari. Nous ne savions pas si nous trouverions des nouvelles informations sur sa vie.
Sylvain Maresca (président de la Cie Moradi et universitaire à la retraite) a porté cette recherche aux Archives de Caen, aux Archives Départementales et Municipales de Nantes.
C’est ainsi qu’en croisant différentes sources possibles sur cette période, nous avons trouvé des documents sur cette femme.
Nous postulons au programme CERV pour transmettre ce travail de mémoire européenne. La question des travailleuses civiles françaises au cours de la Seconde Guerre Mondiale, est un aspect méconnu de cette période, que l’on commence seulement à découvrir, car le sujet était tabou. C’est aussi regarder l’histoire des femmes dans les temps troubles de la guerre. C’est parler des rapports hommes femmes. C’est donner à entendre d’autres lectures de l’histoire. C’est aussi faire du récit singulier de cette femme nantaise, une figure d’Europe.
Quels types de projets seront accompagnés grâce à ce programme ?
Au coeur de notre projet, il y a la construction d’une action mémorielle. Nous voulons nous rendre au cimetière central de Vienne en Autriche pour nous recceuillir sur la tombe de cette femme avec sa fille.
En partageant ce travail, nous ouvrons aussi la question des mémoires collectives européennes, la manière dont elles se transmettent sur plusieurs générations. Grâce au programme CERV, nous pourrons ainsi proposer différentes actions de transmission, en particulier, en collaboration avec la Maison de l’Europe.
Nous souhaitons nous adresser à un public scolaire du collège à l’université, ainsi qu’à des adultes.
Nous organiserons des rencontres, en interrogeant nos rapports aux souvenirs familiaux. Nous inviterons aussi des artistes et des historien.ne.s qui ont traité cette question, en partant d’abord d’un regard croisé avec l’Autriche pour l’ouvrir à d’autres pays européens. Sylvain Maresca prépare aussi un livre qui restitue son enquête dans les archives.
Pourquoi devenir adhérent à la Maison de l’Europe ?
Il y avait pour nous une évidence. Nous avions rencontré l’équipe de la Maison de l’Europe qui s’était montrée très attentive à notre projet. Nous avons lancé « Romances européennes » de notre propre initiative pour aiguiser notre curiosité.
Les participant.e.s à nos rencontres ont été séduit.e.s par les moments privilégiés de conversation qui leur était proposés où chacun.e était invité.e à prendre la parole sur la thématique européenne.
Notre démarche participative a pour but de nouer des rencontres. Nous souhaitons poursuivre les aventures de « Romances européennes », en invitant des personnes plus expertes sur les thématiques européennes, qui pourraient ainsi entrer en dialogue avec nous au cours de rencontres avec des participant.e.s. C’est ainsi que la Maison de l’Europe est le lieu pour penser et imaginer des nouveaux rendez-vous.
Vous serez d’ailleurs présent le samedi 16 septembre à la Maison de l’Europe avec les Aventures de Melon !
Oui, en effet, au cours des Journées Européennes du Matrimoine et du Patrimoine Européen, le personnage principal du manuscrit du Br., Melon, s’invite à la Maison de l’Europe. Vous vous demandez sûrement mais qui c’est ce Melon dont on entend parler depuis le début de cet entretien. C’est tout simple.
Melon un habitant du quartier du Br. de la ville de N., en dépression, s’enferme 60 jours dans sa cave. Dans ce réduit, il trouve un chapeau melon fabriqué en Tchécoslovaquie, qui n’a été porté qu’une seule fois à l’occasion d’un mariage dans les années 1930. Melon se laisse tenter à essayer ce chapeau. Mais ensuite, il n’arrive plus à le retirer de son crâne. Et se met à rapetisser jusqu’à devenir ridicule. Une petite fille, Marion, découvre ce type qui ne fait rien au fond de sa cave. Elle décide de voir s’il pourrait lui servir à quelque chose. D’autant, qu’elle est submergée de travail par l’institution scolaire. En effet, elle a un devoir d’école sur lequel elle sèche : Dessine-moi l’Europe et je dirai qui tu es ? Elle demande à Melon de l’aide pour répondre à cette question.
« Les aventures de Melon »
Interprété par Ronan Cheviller.
*Ce programme vise à protéger et à promouvoir les droits et les valeurs consacrés par les traités de l’UE et la charte des droits fondamentaux, notamment en soutenant les organisations de la société civile actives aux niveaux local, régional, national et transnational.
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