Entretien de Laurence Aubron, directrice d’Euradio

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Euradio est devenue depuis sa création un média de référence, centré à la fois sur le traitement des grands enjeux européens et sur la proximité ou « l’Europe des territoires ». Curiosité, ouverture et tolérance sont les valeurs portées quotidiennement par ses équipes sur les ondes. Depuis son démarrage, des collaborations régulières sont mises en place avec notre association et ses membres. En cette période de crise sanitaire, nous avons été très sensibles au travail remarquable qu’Euradio a mené, et ce malgré des difficultés nombreuses rencontrées dans la création de ses contenus. Témoignages nombreux sur le quotidien d’Européens confinés, paroles de territoires, reportages et interviews de fond sur les questions transversales liées au Covid 19, réflexions sur les perspectives en Europe et selon les pays, sans compter les pastilles plus ludiques… cette grille de programme a permis d’avoir une lecture européenne de cet événement sans précédent, rappelant une fois de plus tout l’intérêt d’un média de type radio. C’est pourquoi nous avons souhaité nous entretenir avec Laurence Aubron, la fondatrice et directrice d’Euradio, afin de revenir avec elle sur la genèse de son projet et son actualité, sur le vécu de ses équipes en période de pandémie, ainsi que sur les formats et créations à venir.

 

La genèse du projet Euradio

 

Engagement et détermination chevillés au corps, Laurence Aubron a fondé la radio locale Euradionantes à partir d’un constat : « L’Europe n’est pas une préoccupation des médias mainstream. Et lorsqu’elle apparaît sur nos écrans télévisés, dans nos journaux ou à la radio, ce n’est que trop ponctuellement et pour évoquer des sujets bien particuliers comme les élections européennes. Depuis plus de cinquante ans, les citoyen.ne.s attendent pourtant une information européenne qui se traduise en mots, en images et en audio, mais en vain… Quelques grandes personnalités prennent parfois la plume pour réclamer « plus d’Europe » à travers des tribunes mais sans jamais parvenir à faire naître une véritable prise de conscience médiatique. »

 

Ne souhaitant pas attendre une décennie de plus, Laurence Aubron, accompagnée d’une petite équipe et soutenue par des acteurs locaux, décide ainsi de créer en 2007 Euradionantes. Fondée initialement à Nantes, la radio possède aujourd’hui des antennes dans plus de 15 villes françaises et européennes, Euradio. Car c’est bien cette échelle européenne que vise la fondatrice du projet. Convaincue que « L’Europe est l’espace de notre avenir, le terrain de jeux de nos enfants et de nos petits-enfants, c’est uniquement en prenant en compte la dimension européenne que les défis sociétaux, culturels et environnementaux de notre époque pourront être traités efficacement par nos gouvernements.»

 

Surtout Euradio s’attache à rendre compte d’une Europe incarnée, qui se vit à l’échelle d’un territoire. Laurence Aubron le rappelle volontiers, « L’Europe du terrain est vivante, dynamique et propice aux relations humaines. Nous nous devons d’en parler. Mobiliser les acteurs locaux, mobiliser les citoyen.n.es en pensée et en action, mobiliser les plus jeunes en les incitant à voyager et à s’ouvrir à l’autre, voilà l’ambition portée par la radio. »

 

Et lorsque l’on pourrait s’interroger sur le choix de l’outil radiophonique pour lancer un tel projet – quand certain.e.s lui prédisaient il y a encore quelques années une mort inévitable – Laurence Aubron répond spontanément qu’ « il s’agit du « medium de notre quotidien », celui qui rentre dans notre intimité et que l’on retrouve aussi bien dans notre cuisine, dans notre salle de bain que dans les transports. Aujourd’hui devenue même « prolongement de notre corps » avec l’apparition du smartphone, la radio ne cesse de réinventer de nouvelles formes d’expression telles que le podcast qui n’a jamais été autant utilisé que durant le confinement. »

 

Surtout, le projet d’Euradio, « c’est se faire l’écho de la diversité européenne présente partout dans nos vies quotidiennes mais invisible dans les médias. Mettre à l’antenne des européen.n.es qui parlent en français ou dans leurs propres langues, faire entendre les accents, les intonations, la richesse et la variété des mélodies, c’est permettre aux auditeurs.trices de développer leur curiosité et leur envie d’apprendre de nouvelles langues, mais aussi de s’ouvrir plus largement à la diversité culturelle présente sur notre continent ».

 

Derrière ce projet, se cache la volonté de créer une continuité, une poursuite d’expérience, un pont entre les programmes européens (dont le plus célèbre et plus ancien, Erasmus+) et dont ont pu bénéficier de nombreux.ses européen.n.es qui souhaitent entendre la langue de leur séjour, des musiques, des informations ou d’autres références culturelles à leur retour dans leur pays d’origine.

 

Euradio face au COVID-19 : entre incertitude et détermination

 

Dans cette période inédite de pandémie, Laurence Aubron et son équipe se sont beaucoup interrogées et ont fait le choix de la poursuite : « Nous avons pris des risques. Nous aurions pu arrêter comme d’autres l’ont fait, mais lorsque l’on commence à voir les frontières se fermer, il faut impérativement s’attacher à cultiver l’ouverture d’esprit. » Avec un minimum de programmes et un maximum de volonté, la radio a poursuivi son travail d’information.

 

Malgré de grandes difficultés logistiques et financières auxquelles Euradio doit faire face suite à la crise sanitaire, elle a toutefois su repenser ses formats et ses contenus en proposant notamment la diffusion de multiples témoignages de citoyen.ne.s européen.ne.s dont ceux d’anciens élèves passés par la radio-école de journalisme Euradio, unique en Europe. Très vite, le souhait d’aborder la crise du COVID-19 sous un angle différent et permettre aux auditeurs.trices de suivre les européen.ne.s dans leur confinement, de comprendre ce qu’ils vivaient dans leur propre pays s’est imposé. Hongrois, russe, belge…  « Des échos de toute l’Europe ont permis de saisir les différentes réalités vécues. Comme ce témoignage bouleversant de Paulo Oliviero, juriste passionné d’Histoire et citoyen européen convaincu, qui inquiétait des conséquences de la déception et du sentiment d’abandon par l’UE dans son pays : l’Italie. »

 

Dans un souci de lutte constante contre les fake news qui se multiplient en ces temps de crise sur le web et les réseaux sociaux, Euradio a également travaillé en étroite collaboration avec des experts des questions européennes pour recueillir, mettre en perspective, et valoriser les différents paroles académiques. Tour de force, de nouvelles émissions ont même pu voir le jour durant cette période, comme les podcasts sur « Les épidémies dans l’histoire », en partenariat avec le Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA) des Universités de Nantes et La Rochelle ou encore, la série de podcasts créée par Géopolis et Euradio Bruxelles sur les grandes questions d’actualité géopolitiques en Europe et hors Europe qui ont eu lieu durant le COVID-19 mais qui sont souvent passées sous silence dans les autres médias.

 

Aujourd’hui, Euradio est forcée de se mettre quelque peu en stand-by mais prépare déjà les conditions de retour dans les studios en septembre. Dans l’expectative mais jamais pessimiste, plus que jamais convaincue de la pertinence et du sens du projet Euradio, Laurence Aubron et ses équipes travaillent à l’adaptation aux conditions sanitaires.

 

De nouveaux projets et objectifs porteurs

 

Portée depuis sa genèse par des valeurs profondes, Euradio a décidé d’aller encore plus loin cette année. Deux exemples pour illustrer cette préoccupation constante de servir à la fois le projet européen et le développement humain social et responsable, « Euradio proposera : d’une part, à partir de fin juin un nouvel habillage et une playlist musicale complètement repensée, innovante et unique en son genre puisqu’adoptant une égale parité homme/femme dans le choix des artistes et des groupes venus de toute l’Europe ; et d’autre part, en s’engageant pleinement dans le traitement du sujet de l’écologie et de l’environnement, à partir de 2021 de manière complète et transversale à sa programmation.»

 

Impactée par la crise du COVID-19, Euradio tiendra ses ambitions et souhaite s’inscrire dans une dynamique toujours renouvelée, avec des projets plus que jamais au cœur des préoccupations des citoyen.ne.s européen.ne.s.

 

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